Le rôle d’un Délégué Syndical est de négocier des accords, un CSE sans DS peut-il négocier aussi ?


Les syndicats ont un rôle important dans les CSE, il est donc nécessaire de comprendre les liens entre CSE et syndicats et comment fonctionner en l’absence de syndicat. Nous vous décryptons tout cela pour mener au mieux vos missions d’élus et défendre les salariés que vous représentez.

 

Un peu d’Histoire pour commencer.
Le droit pour les syndicats d’avoir une section syndicale dans l’entreprise est un acquis de la grande grève de mai 1968, inclus dans les « accords de Grenelle ».

C’est, en conséquence des accords de Grenelle, par la loi du 27 décembre 1968 et le décret du 30 décembre 1968 que les syndicats ont obtenu le droit de :

  • Créer officiellement une section syndicale dans l’entreprise,
  • Désigner un délégué syndical qui a des heures de délégation,
  • De collecter dans l’entreprise les cotisations syndicales,
  • De disposer d’un panneau d’affichage distinct de ceux du CE et des DP,
  • De distribuer des tracts aux heures d’entrée et de sortie du travail dans l’enceinte de l’entreprise ou de l’établissement,
  • De disposer d’un local à partir de 200 salariés.

 

1. Représentativité syndicale en France


A la libération, les confédérations syndicales sont la CGT (créée en 1898), la CFTC (créée en 1919) et la toute nouvelle CGC (créée en 1945).
En 1947 la CGT se scinde en deux : la majorité garde la CGT, la minorité crée Force Ouvrière (FO).
En 1966, la CFTC se scinde en deux : la majorité crée la CFDT, la minorité garde la CFTC.
Un arrêté du ministère du travail indique, dès 1966, que cinq syndicats sont désormais représentatifs de façon irréfragable (irréfragable veut dire « qu’on ne peut contredire »), donc sans avoir besoin de le démontrer : CGT, CFDT, FO, CFTC et CGC.

Cet arrêté a créé pendant des décennies des situation ubuesques dans de nombreuses entreprises telles que :

  • Un Délégué syndical (DS) pouvait être désigné dans toute entreprise de 50 salariés et plus, être aussi représentant syndical au CE sans avoir l’obligation de se présenter aux élections de DP ni de CE.
  • Dans une entreprise où la majorité, voire la totalité du CE était élue sans étiquette syndicale, seul ce DS pouvait néanmoins signer des accords d’entreprise.
  • Les cinq syndicats de 1966 empêchaient des « concurrents », tels l’UNSA ou SUD, de présenter des listes dans les entreprises,
  • Ces syndicats empêchés de présenter des listes devaient aller au tribunal pour démontrer leur représentativité dans l’entreprise où ils souhaitaient présenter une liste aux élections professionnelles.

C’est quarante ans après 1968 que la loi du 20 août 2008 a changé les règles de la représentativité syndicale, dans l’entreprise, les branches et au niveau national.

Bon à savoir :

Cette loi de 2008 a fixé les règles pour le calcul de la représentativité syndicale :

  • Au niveau national, toutes entreprises et branches professionnelles, le total cumulé des voix obtenues dans toutes les entreprises, par un vote spécifique dans celles de moins de 11 salariés et dans les élections de CSE pour les autres, doit atteindre 8 % pour qu’un syndicat soit représentatif. Ce calcul est effectué tous les quatre ans. Il a commencé en 2013, puis a été réalisé 2017 et 2021 pour le dernier en vigueur. Pour l’instant, seuls les cinq confédérations de 1966 atteignent ce pourcentage.
  • La dernière mesure de représentativité rendue publique en 2021 a donné le résultat suivant : CFDT 26,97 %, CGT 22,96 %, FO 15,24 %, CGC 11,92 %, CFTC 9,50
  • Au niveau des entreprises, une liste syndicale doit avoir obtenu 10 % des voix au premier tour des élections de CSE pour être qualifié de syndicat représentatif pour la durée du mandat qui s’ouvre.
  • La CFE-CGC étant un syndicat catégoriel (agents de maitrise et cadres) doit obtenir 10 % dans seulement les deux collèges agents de maitrise et cadres ou leur collège unique.

2. Le calcul de la représentativité syndicale en entreprise et ses effets

Pour qu’un syndicat soit représentatif dans l’entreprise il doit réunir plusieurs conditions préalables :

Tout d’abord ce syndicat doit respecter les valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité. (C’est ce qu’a précisé la cour de cassation, en réponse à un employeur qui avait demandé que la CNT, syndicat anarchiste, ne puisse pas présenter de liste puisqu’il est pour la destruction de l’Etat, la CNT peut présenter des listes aux élections professionnelles). Cela veut dire, par contre, qu’un syndicat ne peut pas prévoir dans ses statuts qu’il demande des droits différents pour les femmes et pour les hommes ou pour les travailleurs français et étrangers.
Il doit être indépendant (vis-à-vis de l’employeur notamment), avoir une transparence financière, exister depuis au moins deux ans le jour du premier tour des élections professionnelles, avoir au moins deux adhérents (pour la cour de cassation le pluriel « avoir des adhérents » commence à 2), collecter des cotisations, une activité et de l’expérience. Ce dernier point veut dire, par exemple, que si c’est un nouveau syndicat, il ne peut pas « sortir du chapeau » juste au moment où il faut déposer des listes des élections. Ce nouveau syndicat doit, à notre avis, déclarer son existence et se présenter aux salariés par des tracts par exemple, au moins six mois avant l’élection du CSE. Il désigne un Représentant de la Section Syndical (RSS) qui est protégé comme un élu dès qu’il est désigné, dispose de 4 heures de délégation par mois et d’un tableau d’affichage.
Ce syndicat doit couvrir, dans ses statuts, le champ professionnel et géographique de l’entreprise. Exemple : l’entreprise est dans la métallurgie et dans le département de l’Isère. Le syndicat qui y présente une liste aux élections professionnelles doit indiquer dans ses statuts qu’il assure la défense des travailleurs de la métallurgie de la région Rhône-Alpes-Auvergne ou du moins de l’Isère.

C’est à ces toutes conditions qu’il peut présenter une liste aux élections du CSE.

A chaque élection du CSE, chaque syndicat, déjà « installé » depuis longtemps ou tout nouveau dans l’entreprise, voit sa représentativité mise entre les mains des salariés qui votent au premier tour. Seuls ceux qui obtiennent au moins 10 % des suffrages exprimés sont déclarés représentatifs pour la durée du mandat.


Il n’y a pas de minimum de votants nécessaire au premier tour pour que le calcul de la représentativité soit acquis.
Cela veut dire à l’extrême que si un seul salarié va voter au premier tour, le syndicat qui obtiendra sa voix sera représentatif à 100 % pour la durée du mandat. Même si, à notre connaissance cette situation ne s’est pas encore produite, c’est une faiblesse dans ce dispositif. Bien sûr ce premier tour ne serait pas validé pour savoir qui est élu, il y aurait un deuxième tour compte tenu qu’il n’y a pas eu 50 % de suffrages exprimés parmi les électeurs.

3. Droits d'un syndicat représentatif de l'entreprise


Dès qu’un syndicat est représentatif il peut désigner :

  • Un délégué syndical parmi les élus du CSE dans les entreprises de 11 à 49 salariés.
  • Un délégué syndical (DS), qui aura 12 heures par mois de délégation dans une entreprise ou un établissement de 50 à 150 salariés, 18 heures de 150 à 499 salariés, 24 heures à partir de 500 salariés. Ce délégué syndical doit avoir été candidat et obtenu, lui-même, 10 % dans le collège où il s’est présenté. Exemple : le syndicat de ce syndicaliste a bien obtenu 10 % sur l’ensemble de l’entreprise ou l’établissement, mais lui, à cause de ratures sur son nom ou d’un faible score de sa liste dans son collège, n’a pas obtenu 10 %, il ne peut être désigné comme DS.
  • De 1000 à 1999 salariés il y a deux délégués syndicaux,
  • De 2000 à 3999 salariés, il y a trois délégués syndicaux,
  • De 4000 à 9999 salariés, il y a quatre délégués syndicaux,
  • Pour 10 000 salariés et plus, il y a cinq délégués syndicaux.
  • Un représentant syndical (RS) au CSE à partir de 300 salariés, qui aura 20 heures de délégation à partir de 501 salariés dans l’entreprise ou l’établissement. Ce RS n’avait pas besoin d’être candidat, il doit juste être éligible pour être désigné.
  • En dessous de 300 salariés, le DS est de fait représentant syndical au CSE. S’il n’est pas élu, cela lui donne le droit d’assister à la réunion plénière du CSE. S’il est déjà élu, cela ne change rien à sa situation ni à ses droits spécifiques.

Dès qu’un DS est en réunion de négociation avec l’employeur, ces heures de réunion ne sont pas décomptées de ses heures de délégation.

Un syndicat représentatif dans l’entreprise ou l’établissement :

  • Participe à toute réunion de négociation d’un accord d’entreprise ou d’établissement.
  • A partir de 3O % des voix au premier tour, il peut signer un accord. Le ou les syndicats qui au total ont obtenu plus de 50 % des voix peuvent demander qu’un référendum soit convoqué pour connaitre la position majoritaire chez les salariés sur cet accord signé par un ou plusieurs syndicats n’ayant obtenu qu’entre 30 et 50 % des voix. Si le référendum donne un résultat négatif, l’accord est nul.
  • A partir de plus de 50 % des voix, un syndicat peut signer seul un accord qui sera aussitôt valide. Aucun référendum ne pourra être demandé par les syndicats minoritaires.

4. Qu 'est ce qu'un accord d'entreprise ou établissement ?


Un accord d’entreprise ou d’établissement est un accord collectif de travail qui a des conséquences sur les droits et devoirs des salariés de l’entreprise.

Un accord d’entreprise ou d’établissement peut être signé entre un ou plusieurs syndicats et l’employeur. Cet accord peut modifier la loi ou améliorer la convention collective, sauf les articles du code qui sont, dans chaque chapitre du code, sous l’intertitre « d’ordre public », c’est-à-dire sans possibilité d’en modifier le contenu.

Depuis les ordonnances du 22 septembre 2017 de nombreux articles du code du travail peuvent faire l’objet d’accords d’entreprise ou d’établissement, à commencer par le nombre d’élus à élire dans le protocole d’accord pré-électoral.

Le code civil nous dit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Est légalement formé un accord d’entreprise ou d’établissement qui ne modifie pas les parties d’ordre public du code concerné. Exemple : un contrat de travail ou un accord collectif de travail ne peut pas prévoir qu’un salarié travaillera 70 heures par semaine, même si le salarié en est d’accord. Car la loi fixe à 48 heures maximum la durée du travail.

Cela veut dire que si un accord n’est pas respecté par l’employeur ou les salariés celui qui s’en plaint peut exiger l’application de l’accord et s’il n’obtient pas satisfaction ester en justice pour faire respecter l’accord. Le tribunal judiciaire prendra en compte l’accord collectif de travail comme s’il se référait à une loi.

 

5. Un CSE d'une entreprise sans syndicat peut-il signer des accords d'entreprise ?


Il y a entre 30 et 40 % d’entreprises de 50 salariés et plus qui n’ont aucune présence syndicale officielle. Il peut y avoir des salariés qui sont syndiqués mais parmi lesquels aucun ne souhaite être désigné comme délégué syndical. Un employeur n’a pas le droit de demander à un salarié s’il est syndiqué.

Des accords peuvent-ils être signés sans délégué syndical dans l’entreprise ?

La loi a évolué sur ce sujet à partir de l’instauration des 35 heures. La loi a été obligée de tenir compte de la réalité : tous les CE n’étaient pas élus sur liste syndicale, loin de là et très souvent il n’y avait même pas un délégué syndical dans l’entreprise. Or la loi imposait la signature d’un accord d’entreprise pour être mise en œuvre. Un accord pouvait être signé par un salarié mandaté par une organisation syndicale extérieure à l’entreprise. On a connu des employeurs qui payaient en liquide la cotisation d’une année dans un syndicat à un salarié qu’il choisissait pour signer l’accord 35 heures. Puis petit à petit, il est devenu possible qu’un CE signe un accord d’entreprise portant sur tout sujet dont le code du travail indique qu’il peut faire l’objet d’un accord d’entreprise.

Les syndicats considèrent que seuls des délégués syndicaux sont capables de signer de bons accords d’entreprise. La loi a donc imposé, pendant plusieurs années, qu’un accord signé par un CE soit « contrôlé » par une commission de la branche professionnelle. Cette procédure était longue et complexe, cela décourageait de fait les CE de négocier des accords. Désormais, la procédure légale prévoit d’abord de vérifier qu’un membre du CSE accepte d’être mandaté par une organisation syndicale. L’accord signé dans ces conditions est soumis à un référendum auprès des salariés pour être validé.
Si aucun membre du CSE n’a cette intention, le CSE peut négocier et signer des accords. Le CSE peut même réviser ou dénoncer des accords collectifs de travail. C’est plus simple. Ces signatures, révisions ou dénonciations doivent, bien évidemment, être adoptés à la majorité des membres du CSE et si nécessaire à la majorité du nombre de voix obtenues par ceux qui veulent signer, réviser ou dénoncer un accord.

Quand une négociation est ouverte entre le CSE et l’employeur, le CSE mandate certains d’entre eux pour négocier car on ne négocie pas à 12, si le CSE a 12 titulaires, par exemple. Ceux qui sont mandatés pour négocier ne peuvent être des élus qui détiennent des pouvoirs qui peut les assimiler à l’employeur. On comprend bien qu’il s’agit de certains élus du collège cadre. Puis le projet d’accord est discuté et adopté en séance plénière du CSE. Les élus mandatés pour le négocier sont alors habilités à le signer au nom du CSE.

 

6. Synthèse

Pour être nommé délégué syndical dans une entreprise, il faut que le syndicat ait obtenu au moins 10 % des voix au premier tour des élections du CSE. S’il existe un seul délégué syndical dans l’entreprise, c’est lui et lui seul qui peut signer un accord d’entreprise avec l’employeur.

S’il existe plusieurs syndicats, les accords doivent être signés par ceux qui ont obtenu plus de 50 % des voix. A défaut, ils doivent avoir au moins 30 % pour signer, un référendum peut être nécessaire pour que les salariés valident cet accord « minoritaire ».

En l’absence de délégué syndical le CSE peut signer, réviser ou dénoncer des accords collectifs de travail.

 

7. Pour aller plus loin

Consultez les resultats  Audience et representativite syndicale du cycle 2017-2020