L’intéressement est une rémunération complémentaire au salaire à caractère aléatoire défini par un accord d’entreprise entre l’employeur, le ou les syndicats représentatifs ou par le CSE, ou par un vote du personnel à la majorité des 2/3. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur peut aussi le mettre en œuvre unilatéralement.
Cette forme de rémunération fait l’objet de débats contradictoires car elle n’est pas soumise aux cotisations sociales des salariés ni aux charges sociales classiques des employeurs. En conséquence elle n’entre ni dans le calcul des indemnités journalières en cas de maladie, ni dans le calcul des droits à la retraite, ni dans le calcul des allocations chômage ni dans le calcul des indemnités de licenciement ou de rupture conventionnelle.
A l’inverse, l’intéressement permet de bénéficier d’un versement net plus important que s’il était assimilé à du salaire. C’est le paradoxe de l’intéressement. Pour que chacun d’entre vous puisse se faire sa propre opinion, entrons dans le vif du sujet.
Qu’est-ce que l’intéressement, en quoi consiste un accord d’intéressement et quelles sont les règles qui régissent l’intéressement ?


1. Origine de l'intéressement en France


L’intéressement a été créé dans le droit français par une ordonnance du 7 janvier 1959. A peine désigné comme Président de la République, le Général De Gaulle signe cette ordonnance. Son premier ministre étant Michel Debré. Le nom de cette ordonnance : « ordonnance tendant à favoriser l’association ou l’intéressement des salariés à l’entreprise ». Il s’agissait d’une volonté de longue date pour le Général De Gaulle, lui qui avait signé l’ordonnance du 22 février 1945 créant les comités d’entreprise en justifiant cette création notamment par cette phrase : « créer les comités d’entreprise, c’est reconnaitre ce qu’il y a de social à la base de l’économie ».


Extrait de l’ordonnance du 7 janvier 1959 : « Art. 1er. — Dans les entreprises industrielles ou commerciales, entrant dans le champ d’application de la loi du 11 février 1950 relative aux conventions collectives, l’association ou l’intéressement des travailleurs à leur entreprise pourra résulter : soit d’un contrat ayant les effets d’une convention collective de travail conclu entre l’employeur et les représentants, membres du personnel de l’entreprise, de syndicats affiliés aux organisations syndicales les plus représentatives dans la branche d’activité au sens de la loi précitée ; soit de l’application d’un contrat type, dont l’adoption peut être proposée par le chef d’entreprise au personnel qui doit le ratifier à la majorité des deux tiers. (…) »
Les entreprises ne se sont pas, dès cette fin des années 50, précipitées pour proposer aux représentants syndicaux de négocier des accords d’intéressement. Les syndicats non plus, d’ailleurs.

On trouve dans les années 50/70 une des caractéristiques de la relation sociale en France :

  • Un patronat qui n’est pas aussi convaincu que le Général De Gaulle de la nécessité de faire participer les travailleurs aux résultats de l’entreprise.
  • Des syndicats, notamment la CGT largement majoritaire à l’époque, qui ne souhaitent pas que la rémunération des travailleurs se développe de façon aléatoire et sans être soumise aux cotisations sociales.


Quelques années plus tard, c’est en obligeant les employeurs à verser une participation aux bénéfices de l’entreprise que cette forme de rémunération aléatoire a fait son chemin.

Il ne nous appartient pas de trancher entre les tenants et les opposants de ce type de rémunération, mais uniquement d’en décrire les modalités, les avantages et les inconvénients.

Le patronat a évolué dans sa position, principalement à la suite de l’augmentation des charges sociales au fil des années pour plus souvent proposer une rémunération aléatoire en fonction des résultats de l’entreprise et soumise à un taux nettement moins important de charges sociales. Entre le début des années 70 et aujourd’hui le pourcentage des cotisations sociales (pour le travailleur) et des charges sociales (pour l’employeur) a, au fur et à mesure, environ triplé. Il est aujourd’hui, pour le travailleur, de 20,84 % (hors prévoyance et complémentaire santé).


2. Définition de l'intéressement

L’intéressement est une rémunération qui combine plusieurs paramètres :

  • Il est complémentaire au salaire (chaque salarié peut connaitre le montant de son salaire à l’avance, mais pas le montant de l’intéressement à l’avance),
  • Il ne peut pas remplacer un élément de la rémunération contractuelle du salarié (si, par exemple, on veut supprimer une prime contractuelle pour la remplacer par de l’intéressement, cette prime doit d’abord être supprimée pendant douze mois),
  • Il est aléatoire, on ne peut pas connaitre son montant avant que la période pour laquelle il est calculé ne soit achevée.
  • Pour un intéressement en année calendaire (par exemple) l’accord doit être signé au plus tard le 30 juin de la première année de son effet,
  • Son caractère aléatoire est défini par un accord d’entreprise ou un vote favorable pour ce régime d’intéressement par 2/3 du personnel. Ce vote du personnel est demandé par les syndicats représentatifs et l’employeur ou bien par le CSE et l’employeur,
  • Il a un statut fiscal différent pour le travailleur, selon qu’il est versé dès son calcul ou épargné pendant une longue période, on parle alors de versement par le salarié dans un « plan d’épargne entreprise » défini lui aussi par l’accord,
  • L’accord définit les modalités de répartition du montant calculé entre les différents salariés de l’entreprise ; versement uniforme pour chacun ou proportionnel au salaire de chacun, selon la présence dans l’année de calcul. On peut aussi décider qu’une partie est uniforme et qu’une autre est proportionnelle,
  • Un accord d’intéressement peut être signé pour un an, deux ans, trois ans, quatre ans ou maxi cinq ans.

3. Contenu d'un accord d'entreprise sur l'intéressement


Un accord peut être signé par :

  • Le CSE seul,
  • Un ou plusieurs syndicats majoritaires
  • Un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des voix sans opposition de ceux qui représentent plus de 50 % des voix.


Un préambule de l’accord
(L3313-1) doit définir :

  • Les motifs de l’accord,
  • Les motifs du mode de calcul de l’intéressement,
  • Les raisons pour lesquelles le système de répartition du montant de l’intéressement a été choisi par les signataires.

Sur ces trois points, voici nos remarques et suggestions. Quand nous disons « vous souhaitez ou considérez », il s’agit des partenaires sociaux (employeur et syndicat ou CSE) dans la discussion pendant la négociation.

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Motifs de l’accord et du mode de calcul, deux positions possibles :

  • Vous souhaitez que les salariés perçoivent une somme aléatoire qui augmente la rémunération, même si les salariés ne savent pas comment contribuer à la performance de ce montant. Exemple : un intéressement calculé sur la capacité d’autofinancement de l’entreprise. Sans connaissance comptable et financière, la plupart des salariés ne savent pas ce qu’ils doivent faire chaque jour pour améliorer ce paramètre.
  • Ou bien vous souhaitez que les salariés sachent ce qu’ils doivent faire, chacun dans leur secteur, pour que le montant de l’intéressement soit le plus important possible. Exemple : baisse des charges de fonctionnement dans une entreprise de logistique (plusieurs milliers de salariés répartis dans plusieurs dizaines de sites) : ne pas gâcher le polyane qui entoure les palettes, ne pas gâcher les cartons, les palettes, etc. chaque site obtient l’intéressement en fonctions de ses propres résultats. Paramètre d’intéressement qui ne peut pas être reproduit de nombreuses années.
  • Quels que soient les paramètres choisis, ils doivent être calculés sur une durée minimale de trois mois à l’intérieur de chaque année de l’accord.
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Motif du système de répartition, trois positions possibles :

  • Vous considérez que les différences de salaires doivent se retrouver dans la distribution de l’intéressement. La répartition est donc différente entre les salariés selon leur rémunération habituelle,
  • Vous considérez que les cadres comme les non cadres vont partager l’effort permettant d’obtenir l’intéressement. Les différences de salaires existent en fonction du degré de compétence de chaque catégorie de salariés. L’intéressement est obtenu en fonction d’un effort de chacun. Faire un effort n’est pas une compétence, mais une volonté professionnelle. Vous souhaitez donc que la répartition de l’intéressement soit uniforme.
  • Vous souhaitez un mélange des deux positions.


L’accord d’intéressement définit
(L3313-2) les paramètres suivants :

  • La période pendant laquelle il est conclu. Nous avons indiqué plus haut que cette période va de 1 à 5 ans au maximum. Il est, le plus souvent, d’une durée de 3 ans (durée légale précédente, modifiée donc depuis). Cette période peut commencer dès l’année de sa négociation. Dans ce cas, l’accord doit être signé au plus tard le dernier jour des 6 premiers mois de cette première année. En année calendaire cette signature doit donc obligatoirement être effectuée au plus tard le 30 juin. Cet accord est transmis dans les quinze jours suivants sa signature à la plateforme « TéléAccords », un récépissé est transmis à l’entreprise.
  • Les établissements concernés. Un accord d’intéressement peut ne concerner qu’une unité de travail, un seul établissement ou bien toute l’entreprise. L’intéressement doit
    donc concerner toute une communauté de travail, mais pas certains salariés pris dans cet ensemble homogène, sinon ce sont des primes individuelles salariales.
  • Les modalités d’intéressement retenues. C’est-à-dire, quel sont les objectifs à remplir pour déclencher l’intéressement.
  • Les modalités de calcul et les critères de répartition. Défini et commenté plus haut.
  • Les dates de versement. Ces dates sont encadrées par la loi : la somme à laquelle chaque salarié a droit doit lui être versée au plus tard à la fin du cinquième mois de l’année suivant celle dont l’exercice a été clôturé. En année calendaire, c’est donc, au plus tard le 30 mai. Chaque salarié est auparavant informé du montant qui lui est attribué, il a alors 15 jours pour demander qu’il lui soit versé immédiatement ou placé sur le Plan d’Epargne Entreprise, si un tel plan existe.
  • Les conditions d’information du CSE ou de sa commission créée à cet effet.
  • Les procédures de règlement des litiges éventuels.
  • La condition d’ancienneté. L’accord peut prévoir une condition d’ancienneté pour qu’un salarié perçoivent l’intéressement. Cette condition d’ancienneté ne peut pas dépasser 3 mois.

Attention : n’attendez jamais que votre employeur vous propose un projet d’accord ou de renouvellement d’accord pour élaborer vos paramètres d’un accord d’intéressement débattus au sein du CSE. Dans le cas d’un accord calendaire, de trop nombreux employeurs proposent un accord ou un renouvellement de l’accord existant au mois de mai, voire pire encore début juin. Compte tenu de la date limite du 30 juin pour signer l’accord ou son renouvellement, vous n’avez pas assez de temps pour élaborer de contre-propositions. Vous savez que l’accord actuel se termine le 31 décembre ? Commencez, dès janvier suivant, la discussion interne et l’élaboration de vos propositions pour anticiper la négociation qui devra se terminer au plus tard le 30 juin.

4. Exonérations de cotisations et de charges sociales


Pour que les exonérations exposées ci-après soient applicables, le montant total de l’intéressement versé aux salariés bénéficiaires ne doit pas dépasser 20 % du total des salaires des travailleurs concernés. Le plafond du montant individuel d’intéressement exonéré de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu est de 75 % du plafond annuel de la Sécurité Sociale. En 2024, 3864 € x 12 = 46 368 €, 75 % de cette somme = 34 776 €. L’intéressement est, en moyenne, loin de ces plafonds. Environ 5 millions de salariés (du privé) perçoivent un intéressement, la somme moyenne perçue est entre 1400 et 1500 € annuels, l’intéressement représente entre 4,5 et 4,7 % de la masse salariale des bénéficiaires (statistiques fournies par la DARES).

Exonération de cotisations sociales pour le salarié :

  • L’intéressement n’est pas assimilé à du salaire, le salarié ne paie donc aucune cotisation sociale sur la somme qu’il reçoit à ce titre. Cela veut aussi dire que si l’intéressement lui apporte un revenu complémentaire, ce revenu ne compte pas pour le calcul de sa retraite,
  • Quand le salarié demande le versement immédiat de la somme perçue au titre de l’intéressement, ce revenu complémentaire est imposable,
  • Quand le salarié épargne la somme perçue au titre de l’intéressement sur un plan d’épargne salariale, il n’est pas imposable,
  • L’intéressement, dans les deux cas, est soumis à la CSG et la CRDS, sans l’abattement de 1,75 % (appliqué d’habitude au salaire, (voir notre article sur la feuille de paie).

Exonération de charges sociales pour l’employeur :

  • L’intéressement n’étant pas assimilé à du salaire l’employeur ne paie donc aucune charge classique sociale (celles qu’il paie sur le salarie). Dans les charges patronales classiques il y a notamment la sécurité sociale maladie et pôle emploi. L’intéressement ne compte donc pas pour le calcul des indemnités journalières en cas d’arrêt maladie ni pour les allocations chômage du salarié,
  • Les entreprises de 250 salariés et plus payent à l’URSSAF un « forfait social » de 20 % de l’intéressement versé ;
  • Les entreprises de moins de 250 salariés ne payent pas ce « forfait social » de 20 %.


5. L'information des salariés


A l’embauche, chaque nouveau salarié reçoit de l’employeur un « livret d’épargne salariale » qui énumère les revenus complémentaires potentiels : intéressement, participation, plan d’épargne entreprise, PERCO. Ce livret décrit l’état récapitulatif en cas de départ de l’entreprise.

Chaque année, dès le calcul de l’intéressement, celui-ci n’est pas ajouté à la feuille de paie mais fait l’objet d’un document distinct. Ce document individuel doit indiquer :

  • Le montant total que l’entreprise verse cette année-là à tous les salariés bénéficiaires,
  • Le montant moyen perçu dans l’entreprise,
  • Le montant attribué au salarié,
  • La retenue CSE/CRDS du salarié.

D’autres informations qui figurent sur ce document sont exposées dans notre article « négocier un plan d’épargne entreprise ».

Quand un salarié quitte l’entreprise avant la date du versement de l’intéressement, il donne sa nouvelle adresse (si celle-ci va changer) pour recevoir ce document individuel. Quitter l’entreprise ne fait pas perdre ses droits à l’intéressement au salarié concerné, qu’il recevra proportionnellement à sa période de travail dans l’année concernée. S’il a travaillé 6 mois dans l’année considérée, il percevra la moitié de l’intéressement qu’il aurait obtenu.


6. Supplément d'intéressement


Dans les entreprises ayant un accord d’intéressement et ayant déjà versé l’année précédente un intéressement, l ’employeur (s’il n’a ni CA ni directoire), le conseil d’administration ou le directoire peut décider d’effectuer un versement supplémentaire qui s’ajoute au versement produit par l’accord existant.

Ce versement supplémentaire n’est pas calculé selon les règles de l’accord mais son montant total est choisi unilatéralement par la décision patronale. Cette décision est unilatérale tant qu’elle s’applique selon les règles de distribution définies par l’accord en place. Si un changement est envisagé, un accord spécifique doit être négocié et adopté pour définir les conditions de versement de ce supplément d’intéressement.

Ce versement supplémentaire j’ajoute au versement initial pour le calcul des plafonds pour les conditions d’exonération, décrites dans le chapitre 4.

En cas de versement nul au titre de l’année écoulée aucun versement supplémentaire ne peut être effectué.

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7. Synthèse


L’intéressement est issu d’une négociation entre les partenaires sociaux. Il permet d’apporter un supplément de pouvoir d’achat à chaque salarié concerné par l’application de l’accord. Ce revenu complémentaire n’est pas inclus dans le calcul des avantages sociaux abondés par le salaire : retraite, allocation chômage, IJ de la sécurité sociale. Ce revenu est soit perçu immédiatement, soit placé dans un plan d’épargne entreprise, au choix du salarié.