La loi sur la retraite du 14 avril 2023, est en place depuis le 1ier septembre 2023.

Le présent article synthétise ce qu’est, désormais la « loi BORNE ».

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1. Nouveaux âges de départ à la retraite

 

Pour ceux nés au plus tard le 31 août 1961, l’âge de départ à la retraite n’a pas changé par rapport à la loi « TOURAINE » : l’âge reste 62 ans. Pour ceux nés après cette date voici les nouveaux âges de départ définis par la loi « BORNE » :

  • Né entre le 1ier septembre 1961 et le 31 décembre 1961 : 62 ans et trois mois.
  • Né en 1962 : 62 ans et six mois.
  • Né en 1963 : 62 ans et neuf mois.
  • Né en 1964 : 63 ans. Né en 1965 : 63 ans et trois mois.
  • Né en 1966 : 63 ans et six mois.
  • Né en 1967 : 63 ans et neuf mois.
  • Né en 1968 et suivant : 64 ans.


2. La logique des trimestres


Nombre de trimestres demandés :

  • Né entre le 1ier septembre 1961 et le 31 décembre 1962 : 169 trimestres.
  • Né en 1963 : 170 trimestres.
  • Né en 1964 : 171 trimestres.
  • Né en 1965 et après : 172 trimestres.

Pour comprendre comment fonctionne le principe des trimestres, prenons un exemple. Vous êtes né en 1962, vous devez avoir cotisé 169 trimestres pour partir à « taux plein » à 62 ans et six mois en 2024 ou 25 (selon votre mois de naissance).

Le taux plein, c’est percevoir la pension de retraite à laquelle vous avez droit sans subir de décote sur son montant.

Un trimestre, c’est trois mois en termes de temps, mais en réalité c’est d’abord de l’argent. Attention : ne confondez pas l’âge de départ, calculé en années et mois évoqués ci-dessus avec le calcul des trimestres pour atteindre le nombre demandé pour avoir le « taux plein ».

Du 1ier janvier 1972 jusqu’au 31 décembre 2013, un trimestre équivalait à cotiser sur un montant de salaire équivalent à 200 fois le SMIC horaire au 1ier janvier de l’année considérée.

Exemple : vous avez travaillé deux mois au cours de l’été 1982 pour vous faire de l’argent de poche ou payer vos études. Payé au SMIC (sur la base du montant du SMIC brut au 1ier janvier 1982) 169 heures par mois, vous avez donc travaillé 338 heures au total. Votre travail n’a duré que deux mois, mais pour votre retraite vous avez acquis un « trimestre cotisé ».

Depuis le 1ier janvier 2014, un trimestre équivaut à percevoir un salaire brut de 150 fois le SMIC horaire (au 1ier janvier 2024 : 150 X 11,65 € = 1747,50 € brut). En cotisant un mois sur cette base, vous avez acquis un trimestre.
Evidemment vous ne pouvez pas cumuler plus de 4 trimestres en une année calendaire.

Pour partir en retraite à l’âge demandé (entre 62 ans trois mois et 64 ans) selon votre année de naissance, tous les trimestres retenus et cotisés sont utilisés.


3. Départ anticipé pour "carrière longue"


Il y a deux conditions pour bénéficier d’un départ éventuel anticipé au titre d’une « carrière longue ». Nous employons « éventuel » car rien ne vous oblige à partir de façon anticipée. Votre employeur ne peut vous « mettre à la retraite » qu’à partir de 70 ans.

a) Il y a, désormais quatre possibilités éventuelles de partir plus tôt au titre de votre « carrière longue ».

Vous êtes né entre le 1ier janvier et le 30 septembre, si vous avez acquis 5 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 16 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 58 ans.
Vous êtes né entre le 1ier janvier et le 30 septembre, si vous avez acquis 5 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 18 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 60 ans.
Vous êtes né entre le 1ier janvier et le 30 septembre, si vous avez acquis 5 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 20 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 62 ans.
Vous êtes né entre le 1ier janvier et le 30 septembre, si vous avez acquis 5 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 21 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 63 ans.

Vous êtes né entre le 1ier octobre et le 31 décembre
, si vous avez acquis 4 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 16 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 58 ans.
Vous êtes né entre le 1ier octobre et le 31 décembre, si vous avez acquis 4 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 18 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 60 ans.
Vous êtes né entre le 1ier octobre et le 31 décembre, si vous avez acquis 4 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 20 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 62 ans.
Vous êtes né entre le 1ier octobre et le 31 décembre, si vous avez acquis 4 trimestres cotisés avant le 31 décembre de l’année de vos 21 ans, vous êtes apte à un départ anticipé pour carrière longue à l’âge de 63 ans.

Des dérogations particulières ont été introduites dans le décret du 3 juin 23 :

  • Pour ceux nés entre le 1ier septembre 1961 et le 31 août 1963, le départ, avec 4 ou 5 trimestres (selon leur mois de naissance) cotisés au 31 décembre des 20 ans est fixé à 60 ans au lieu de 62 ans,
  • Pour ceux nés entre le 1ier septembre 1963 et le 31 décembre 1968 le départ, avec 4 ou 5 trimestres (selon leur mois de naissance) cotisés au 31 décembre des 20 ans est fixé à 61 ans et demi au lieu de 62 ans.
  • Pour ceux nés en 1969 avec 4 ou 5 trimestres (selon leur mois de naissance) cotisés au 31 décembre des 20 ans le départ est fixé à 61 ans et neuf mois au lieu de 62 ans.

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b) Le nombre et la nature des trimestres exigés pour un départ en carrière longue

Une fois que vous avez obtenu, à l’âge indiqué en a), le nombre de trimestres nécessaires pour partir à taux plein (exemple, 172 trimestres si vous êtes né en 1965) il faut encore que ces 172 trimestres aient tous été « cotisés ».

Exemple contraire : chaque maman bénéficie de 8 trimestres pour avoir mis au monde (ou adopté) un enfant, puis l’avoir éduqué pendant les 4 premières années. Mais ces trimestres sont « retenus » et non « cotisés », ils ne comptent donc pas pour obtenir un départ anticipé pour carrière longue.



4. Une retraite, deux pensions différentes : CNAV et AGIRC-ARRCO


Vous partirez un jour à la retraite, mais vous bénéficierez à partir de ce jour-là non pas d’une pension de retraite mais de deux pensions différentes : celle versée par la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse (CNAV) de la sécurité sociale et celle versée par les caisses complémentaires de l’AGIRC-ARRCO. Ces deux versements font l’objet de cotisations différentes et sont calculés de manière différente.

La CNAV perçoit vos cotisations et celles de votre employeur sur la base de votre salaire brut plafonné à 3864 € (43 992 € par an) en 2024 (tranche A des salaires).

Pour ceux dont le salaire est inférieur ou égal à 3864 € en 2024 la cotisation salariale est de 6,9 %, la cotisation patronale de 8,55 % sur la partie de votre salaire brut à plein temps entre 1766,92 € (SMIC au 1ier janvier 2024) à 3864 €. Au-delà de ce montant ces cotisations-là ne sont pas perçues. Sur votre bulletin de paye ces cotisations sont indiquées sur la ligne « sécurité sociale plafonnée ». La CNAV perçoit aussi une cotisation sur l’ensemble du total brut intitulée sur votre bulletin de paye « sécurité sociale déplafonnée » d’un montant de 0,4 % pour vous, salarié et de 1,9 % pour votre employeur. Ces cotisations-là ne sont pas créatrices de droit pour le retraité mais alimentent la CNAV.

L’AGIRC-ARRCO perçoit 4,1 % de cotisation salariale et 6,01 % de cotisation patronale jusqu’à 3864 €. Elle perçoit ensuite, sur le salaire brut au-delà de 3864 € mensuel, 9,72 % de cotisation salariale et 14,56 % de cotisation patronale.

La CNAV perçoit donc des cotisations créatrices de droit sur le salaire brut inférieur ou égal à 3864 €.

L’AGIRC-ARRCO perçoit donc des cotisations créatrices de droit sur le salaire brut plafonné à 8 fois le plafond de la tranche A du salaire brut (soit 30 912 € brut par mois en 2024).


5. Spécificités de la retraite de la sécurité sociale versée par la CNAV


La CNAV, au moment de calculer la pension qu’elle va vous verser, transforme vos revenus annuels (sous le plafond de la tranche A des salaires de chaque année de travail) passés en euros augmentés de l’inflation.

Par exemple, vos revenus en francs de l’année 1980 (sous le plafond annuel 1980 qui était de 60 120 francs) sont d’abord transformés en euros puis augmentés de l’inflation (calculée par INSEE) entre 1980 et l’année précédant votre départ à la retraite. Une fois ce calcul réalisé, la CNAV retient les 25 meilleures années sans jamais dépasser le plafond annuel de la tranche A des salaires (46 368 € en 2024), on calcule la moyenne et obtient un pourcentage du plafond de l’année de votre départ.

Par exemple, si vous avez une moyenne de 70 % du plafond sur ces 25 meilleures années, vous percevrez 35 % du plafond de l’année de votre départ à la retraite. Si vous avez perçu le plafond mensuel pendant ces 25 années vous percevrez 50 % du plafond de l’année de votre départ à la retraite. Si vous avez perçu, par exemple, le double ou plus du plafond mensuel de la tranche A des salaires, vous ne percevrez néanmoins pas plus que 50 % du plafond de l’année de votre départ à la retraite. Soit 1832 € brut par mois en 2024. La pension versée par la CNAV écrase ainsi les différences entre les bas salaires et les gros salaires.

Charges sociales sur la pension CNAV : 9,1 %.
En fonction de votre Revenu Fiscal de Référence de l’année n-2, ces charges sociales peuvent être diminuées.


6. Spécificités de la retraite complémentaire versée par l'ARGIC-ARRCO


L’AGIRC-ARRCO transforme chaque année le montant de vos cotisations en points de retraite complémentaire à partir d’un prix d’acquisition qui évolue avec le temps. Ce prix d’acquisition est en 2024 de 19,6321 € par point annuel. Ce point est transformé en retraite annuelle à la valeur de 1,4159 € depuis le 1ier novembre 2023.

Exemple : vous avez acquis 100 points en 2022, soit une cotisation totale annuelle de 1743,16 €. Si vous partez à la retraite en 2024, ces 100 points donneront une pension de retraite complémentaire annuelle brut de 141,59 €.

Autre exemple, vous avez acquis 3000 points sur toute votre carrière, votre pension complémentaire annuelle sera en 2024 de 4247,70 €, soit 353,98 € brut par mois. La pension versée par l’AGIRC-ARRCO « restitue » les différences de salaire entre une et 8 fois le SMIC, contrairement à la pension plafonnée versée par la CNAV. Charges sociales sur la pension AGIRC-ARRCO : 10,1 %. En fonction de votre Revenu Fiscal de Référence, ces charges sociales peuvent être diminuées.

La pension versée par l’AGIRC-ARRCO « restitue » les différences de salaire entre 1 et 8 fois le SMIC, contrairement à la pension plafonnée versée par la CNAV.

Charges sociales sur la pension AGIRC-ARRCO : 10,1 %.
En fonction de votre Revenu Fiscal de Référence de l’année n-2, ces charges sociales peuvent être diminuées.

7. Avantages et inconvénients principaux de la retraite française du secteur privé


Principaux avantages de la retraite française du privé : Le temps de travail est compté en trimestres. En Allemagne c’est en mois, en Italie c’est en semaines.

Un trimestre peut être acquis par le salaire perçu à temps plein en seulement un mois (si votre salaire brut équivalait jusqu’au 31 décembre 2013 à, au moins, 1,5 fois le SMIC brut ; à 1 fois le SMIC brut depuis le 1ier janvier 2014).

Certaines situations permettent d’acquérir des trimestres bien qu’ils n’aient pas été travaillés : congé parental, arrêt maladie, chômage indemnisé, situation de handicap, service militaire, entre autres.

Parmi ces périodes non travaillées certaines sont considérées comme « cotisées ». Dans toute votre carrière on considérera comme « cotisés » : 4 trimestres de chômage indemnisé, 4 trimestres d’arrêt maladie, 4 trimestres de service militaire, 4 trimestres d’incapacité de reprendre le travail ou d’incapacité temporaire de travail.

Les mères obtiennent 4 trimestres pour avoir mis au monde un enfant (ou réalisé une adoption) et 4 trimestres pour avoir élevé l’enfant jusqu’à 4 ans (à raison d’un trimestre par an pendant 4 ans), soit 8 trimestres au total. Depuis 2010, les 4 trimestres d’éducation peuvent être partagés entre la mère et le père par une décision commune validée avant les 4 ans de l’enfant. C’est la mère qui décide de ce partage éventuel, si elle ne le souhaite pas, c’est elle seule qui en bénéficie.

Nouveauté de la loi BORNE : si une femme a eu un enfant au moins et qu'elle atteint 172 trimestres à 63 ans, sa pension CNAV sera augmentée de 5% à son départ à 64 ans.

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Principaux inconvénients de la retraite française du privé :

La situation des mères, qui sont pourtant les seules à pouvoir mettre au monde, fait que les quatre trimestres accordés pour cela ne sont pas assimilés à des trimestres « cotisés » et pénalisent la possibilité de partir de façon anticipée pour carrière longue (voir ci-dessus chapitre 3).

Les femmes nées dans les années 60 et 70 ont souvent travaillé avant le 31 décembre de l’année de leurs 20 ans et pourraient être apte à un départ en carrière longue. Ces femmes ont eu ensuite, pour la plupart, une double journée de travail : leur emploi, les tâches ménagères et l'éducation des enfants. Elles ont pourtant souvent l’impossibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite pour carrière longue à cause d’un manque de trimestres dits « cotisés ».

Les carrières des femmes sont, beaucoup plus souvent que les hommes, hachées par des périodes de plus faibles cotisations. Le montant de leurs pensions de retraite en subit les conséquences.

Le début de carrière des jeunes a été de 1980 à 2022, composé à 80 % de contrats de travail autres qu’en CDI : stages, alternance, CDD, intérim, etc. La retraite complémentaire est, en conséquence, beaucoup moins productive de points dans ces débuts de carrières chaotiques. Si le projet initial du mandat présidentiel (une retraite uniquement par points) avait été voté, cela aurait fortement pénalisé cette catégorie de salariés et favorisé les très hauts salaires.

La loi BORNE a changé la situation de plusieurs stages pour accorder des trimestres sur la durée des stages suivants : 

  • Les travaux d'utilité collective (TUC) ;
  • Les stages pratiques en entreprise : article 5 de la loi du 5 juillet 1977 portant diverses mesures en faveur de l'emploi des jeunes, article 3 de la loi n°78-968 du 6 juillet 1978 relative à l'emploi des jeunes, article 3 de la loi n°79-575 du 10 juillet 1979 portant diverses mesures en faveur de l'emploi, ainsi que les stages mis en œuvre, au cours de l'année 1982, dans le prolongement du dispositif prévu par l'article 3 de cette même loi du 10 juillet 1979,
  • Les stages Jeunes volontaires prévus à l'article 1er des décrets 82-72 du 22 janvier 1982 portant mise en place de stages de "jeunes volontaires", 83-349 du 3 avril 1987 relatif au programmes d'insertion locale (PIL) sous réserve que la période prise en considération n'ai pas déjà fait l'objet d'allocations chômage spécifiques,
  • Les stages d'initiation à la vie professionnelle (SIVP).
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8. Synthèse


La nouvelle loi « BORNE » a apporté des avantages nouveaux mais fait l’objet d’un conflit social de grande ampleur suite au recul du départ à la retraite de 62 à 64 ans. Ce conflit a, en réalité, pointé les conditions de travail : pénibilité, manque d’autonomie, management inapproprié, etc. L’idée de travailler deux ans de plus a été considéré comme inacceptable pour une majorité des salariés français, compte tenu de cette dégradation physique et psychologique des conditions de travail.